Je vous parle de la pauvreté à Mayotte

Je vous parle de la pauvreté à Mayotte

L’île de Mayotte est le département le plus pauvre de France. Amina, stagiaire à l’E2C Nîmes et Mahoraise, a enquêté sur les conditions de vie des habitants de l’île.

Mayotte est l’une des quatre îles de l’archipel des Comores, au large de Madagascar. C’est aussi un département français, même si la culture traditionnelle de Mayotte est plus proche de celle des îles voisines. Mayotte est entourée d’une barrière de corail qui abrite un lagon et une réserve marine. J’ai choisi de parler de la pauvreté à Mayotte car j’y suis née et j’y ai grandi, avant d’arriver à Nîmes en 2016.

La pauvreté est importante à Mayotte par rapport à la métropole et j’ai pu le voir quand j’y étais  : la vie est chère et il y a des pénuries de certains aliments très demandés, comme le riz et les ailes de poulet. A Mayotte, un carton d’ailes de poulet coûte par exemple 30 euros, contre 15 euros ici en métropole. Sur l’île lorsque je faisais les courses avec ma mère, je me souviens avoir vu des gens se battre dans un magasin pour pouvoir en acheter. Pendant mon enquête, j’ai cherché des chiffres qui ont confirmé ce que j’avais vu là-bas : selon l’Observatoire des Inégalités, en 2017, 84% des habitants vivaient sous le seuil de pauvreté. Mayotte est donc le département le plus pauvre de France.

« L’immigration n’est pas le principal problème »

A la fin de l’année 2019, dans l’actualité, on a beaucoup parlé des problèmes d’immigration à Mayotte. La majorité des migrants à Mayotte est originaire des îles Comores voisines, mais, depuis une dizaine d’années, les demandeurs d’asile viennent aussi d’Afrique de l’Est (Burundi, Rwanda, République du Congo). Il y a eu des tensions entre les nouveaux arrivants et la population de Mayotte. Pourtant, dans un article de FranceInfo.fr du 23 octobre 2019, le chercheur à l’Ined Didier Breton explique qu’« il faut distinguer les statistiques des perceptions. Le solde global migratoire à Mayotte est négatif. Il y a plus de personnes qui partent que de personnes qui rentrent. »

Je pense aussi que l’immigration n’est pas le principal problème. Ma mère m’a dit que depuis la visite du président Macron sur l’île en octobre dernier, la situation ne s’est pas améliorée et la pauvreté est toujours là. Alors pour mieux comprendre le problème de la pauvreté de l’île, je me suis rendue à la ZUP Sud de Nîmes pour rencontrer une association de Comoriens et Comoriennes, Couleur des îles. En rentrant dans leur local, je me retrouve dans un salon avec deux tables, un canapé et, sur les murs, les quatre drapeaux des îles Comores (Grand Comore, Mayotte, Moheli et Anjouan) sont accrochés.

Je retrouve Soifiat, présidente de l’association. Elle est née dans la capitale de l’Union des Comores à Ngazidja (Grand Comore) et a grandi sur une autre île, Anjouan. Elle vit à Nîmes depuis 12 ans maintenant. Mère de six enfants, elle a commencé dans l’association en tant qu’animatrice. Quand je lui demande de me raconter la situation à Mayotte, elle rigole. Elle n’a pas vécu là-bas mais connaît de nombreux Mahorais et s’intéresse beaucoup à la vie sur l’île. Pour elle, le principal problème de Mayotte, c’est le chômage des jeunes. 45,8 % des 15-24 ans de l’île sont sans emploi contre 24% en Métropole. « En ce moment, les jeunes quittent l’école le plus tôt possible mais ils ne sont pas formés, explique Soifiat. On ne leur donne pas les moyens de se former à la pêche, à l’agriculture, alors que ce sont des domaines où les gens peuvent s’enrichir ».

Comme les jeunes n’ont pas les moyens de travailler, ça crée de la délinquance. Pour Soifiat, cette situation fait que « les jeunes fument de la drogue et les jeunes filles se prostituent. »  Donc pour elle, « dire que les « étrangers » doivent partir, c’est vraiment pas ça l’important ».  Il y a aussi de gros problèmes de logement. Il y a beaucoup de bidonvilles. Quand j’y étais j’en ai vu dans tous les villages, surtout à Kaweni, la commune de Mamoudzou. « Tu te retrouves à Mayotte tu vas étouffer, confirme Soufiat. Il y a 15 personnes qui peuvent vivre dans la même cabane. Ils ne construisent pas assez de logements. »

Les membres de l’association nimoise Couleurs des Iles. De gauche à droite : Soipha, Sannae, Soifiat et Amina

A la fin de l’interview, j’ai demandé à Soifiat comment faire progresser Mayotte et sortir ses habitants de la pauvreté. Voilà sa réponse : « Moi je blâme toujours la France car c’est eux qui devaient donner des solutions. Au lieu de les aider à sortir des problèmes communs à toutes les Comores, ils ne parlent que de l’immigration, alors que ce n’est pas ça qui est important. »

Je suis d’accord avec Soifiat. A Mayotte il n’y a pas de pur Mahorais. Tout le monde, à l’origine, vient d’ailleurs. En revanche, il y a beaucoup de choses à faire sur l’île. C’est ce que j’ai voulu montrer avec cet article. J’aimerais que les politiques et les habitants se concentrent sur les vrais problèmes.

Amina Mchami