En France, le voile est interdit au lycée. Comment le vivent les étudiantes de confessions musulmanes ? J’ai interviewé huit d’entre elles dans le quartier Jean Jaurès, à Nîmes. Elles expliquent leur choix de porter le voile ou de ne pas le porter et disent ce qu’elle pense de cette interdiction.
Je suis musulman et les questions qui touchent à l’islam m’intéressent. Depuis 2004, la loi française sur les signes religieux interdit aux femmes de porter le voile à l’école, au collège et au lycée publics. Mais il est autorisé à l’université. J’ai tenu à interroger des jeunes femmes de confession musulmane pour avoir leur avis et leur sentiment sur cette interdiction et plus généralement sur le choix de porter le voile.
Pour ça, je suis allé au lycée Hemingway, dans le quartier Jean Jaurès à Nîmes. J’ai interviewé plusieurs lycéennes : Noheila, Camelya, Nejma et Imane. J’ai aussi interrogé trois étudiantes à la faculté qui passaient devant le lycée : Sheima, Saida et Chaima. Celles qui portent le voile semblent bien le vivre même si parfois elle se sentent jugées ou critiquées pour leur choix. Celles ne le portent pas disent que c’est justement à cause de ses critiques et ses jugements qu’elles repoussent le moment où elles commenceront à le porter. Les musulmanes que j’ai interviewées ont toutes en commun de trouver que la loi française est injuste. Voici leurs témoignages :
IMANE, 19 ans lycéenne à Hemingway, en BTS comptabilité
« Je porte le voile depuis l’âge de 13 ans : c’est ma religion, c’est mon choix. Je le mets tout le temps quand je suis hors de chez moi : il n’y a qu’au lycée que je ne le porte pas. Dans ma famille, toutes les femmes le portent : ma mère, mes cousines, mes tantes. Pour moi, c’est une manière d’exprimer ma foi, c’est aussi un signe de pudeur et un symbole de soumission au créateur. Je m’en fous du regard des autres et quand on me fait des remarques, je réponds. On est tous des êtres humains ! Je trouve injuste de ne pas être respectée comme je suis. On peut venir au lycée avec des piercing partout et des cheveux colorés en vert. Pourquoi moi je ne pourrais pas venir comme je suis ? »
SHEIMA, 19 ans, en deuxième année de droit à la faculté de Vauban
« Je ne porte pas le voile : c’est une question de choix. Beaucoup de gens pensent que les musulmanes sont influencées par leur mari ou leur père alors que non c’est un choix purement personnel. Moi je ne me sens pas prête pour l’instant. Porter le voile ce n’est pas seulement couvrir ses cheveux : ça signifie se soumettre à son dieu. Normalement, quand on porte le voile, il faut suivre tous les préceptes de la sunna, être une bonne musulmane. Or la sunna déconseille d’enlever le voile régulièrement : donc quand on commence à le porter, on ne doit plus l’enlever. Mais ici, en France, à cause de la loi, je serais souvent obligée de l’enlever et je n’ai pas envie de ça. Quand je suis entrée à l’université, je me suis posé la question : est-ce que c’est le moment de porter le voile ? Mais je préfère attendre. Je le mettrai une fois que je serai mariée mais pas parce qu’on me force, parce que plus rien ne m’empêchera de le porter et je ne l’enlèverai que devant mon mari. »
NOHEILA, 19 ans, lycéenne à Hemingway
« Je ne porte pas le voile, je pense que quand on porte le voile, il ne faut pas l’enlever. Ça m’embêterait d’être obligée de l’enlever à chaque fois que j’entre dans un lieu où il est interdit. J’admire mes copines qui le portent. Je trouve ça inadmissible que la loi nous interdise de porter le voile à l’école. La laïcité, c’est clairement avoir la liberté de pouvoir pratiquer son culte. Et là, on ne nous permet pas de pratiquer notre culte. »
CAMELYA, 17 ans, lycéenne à Hemingway
« J’ai commencé à porter le voile en 3ème parce j’en avais envie. Ca me tenait à cœur : je trouve que ça fait partie de ma religion. Le regard des gens ne me dérange pas : je ne leur dois rien. Ils me regardent comme ils veulent. Ma famille accepte complètement mon choix. »
SAIDA, 20 ans, en deuxième année d’AES à la faculté de Vauban
« Je ne porte pas le voile c’est mon choix. J’ai quatre sœurs et parmi elle, il n’y en qu’une seule qui le porte c’est ma grande sœur, elle a 31ans et elle le porte depuis qu’elle a 22 ans. Nos parents nous ont transmis leur religion mais après on fait ce que l’on veut. On vit dans une société où ce n’est pas facile d’être musulmane et quand on porte le voile c’est encore plus difficle. On est souvent jugées, parfois même discriminées que ce soit à l’école ou dans le monde du travail. Même si je ne porte pas le voile, j’ai déjà subi des remarques racistes. »
SELMA, 16 ans, lycéenne à Hemingway
« Je ne porte pas le voile sauf pour faire la prière. Je suis très fière de mes amies qui portent le voile mais moi je ne me sens pas prête à le porter. D’un côté, je trouve que la loi qui interdit le voile est un peu ridicule mais de l’autre, je me dis que si on veut préserver la laïcité dans les lycées, alors pourquoi pas. »
CHAIMA, 20 ans, deuxième année d’espagnole à la faculté de Vauban
« Je suis en pleine recherche de travail et je ne veux pas être jugée sur ma religion. Il y a des employeurs qui s’imaginent que les femmes voilées manquent d’expérience. C’est pour ça que pour l’instant j’ai décidé de ne pas le porter. Moi ma mère par exemple, ça lui est déjà arrivé qu’on lui demande de retirer son voile sur son lieu de travail. Je trouve que ce n’est pas juste. Une fois que j’aurai un travail j’envisage de porter le voile. Et si on me demande de l’enlever, ça voudra bien dire que c’est de la discrimination. »
NEJMA, 18 ans, lycéenne à Hemingway
« Je porte le voile depuis l’âge de 15 ans. C’est moi qui ai décidé de le porter et ma famille accepte mon choix. A chaque fois que j’arrive devant le lycée, je l’enlève, et je le remets dès que je quitte le lycée. C’est bizarre de l’enlever et de le remettre sans arrêt mais je suis obligée. »